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En RDC, le COVID-19 menace les acquis dans la lutte contre les violences sexuelles

Depuis plusieurs années, la République Démocratique du Congo (RDC) lutte contre les violences basées sur le genre et plus spécifiquement les violences sexuelles liées aux conflits armés, qui ont marqué le pays pendant plus de deux décennies. Tandis que les forces politiques et les différentes plateformes de la société civile s’étaient résolues à avancer sur un chemin de compromis dans les années récentes, l’arrivée du COVID-19 est venu mettre en sourdine les préoccupations politiques, sécuritaires voire humanitaires du moment.

Nos autorités centrales et provinciales en RDC ont pris des mesures s’articulant sur l’instauration de l’état d’urgence, décrété par le président de la république depuis le 24 mars 2020. C’est ainsi que le gouverneur de Kinshasa avait confiné la commune de La Gombe ; que les échanges entre les villes contaminées et les territoires environnants ont été restreints ; que le port du masque est devenu obligatoire et que les rassemblements de plus de vingt personnes ont été proscrits … des mesures parfois jugées par des associations de la société civile excessives et peu encadrées.

Pour la ville de Bukavu, au Sud Kivu, où je travaille pour le Programme sur les violences sexuelles en zones de conflits pour Physicians for Human Rights (PHR), à côté de toutes ces mesures, ce qui est le plus redouté, c’est la capacité de prise en charge des malades jugés graves, pour qui la mise sous assistance respiratoire deviendrait nécessaire. En effet, le nombre des structures sanitaires aux normes pour ce genre de prise en charge restent très limitées et leur capacité de lits très réduite. Pour référence, l’Hôpital provincial général de référence de Bukavu avait annoncé n’avoir que 30 lits de réanimation pour une population de presque 900 000 personnes.

Concomitamment à cette crainte de la pandémie, subsistent des problèmes persistants de la santé publique en RDC qui risquent d’être exacerbés à cause de la pandémie. Il s’agit, entre autres, des violences basées sur le genre. Ce que redoutent les acteurs VBG, c’est l’augmentation des violences liées au genre à cause de certaines mesures comme la fermeture des écoles, la restriction des mouvements ou le confinement obligatoire des populations.

En effet, l’Escadron de Protection de l’Enfant et la Lutte contre les Violence Sexuelle de Bukavu signale déjà des cas des violences domestiques dont les auteurs, conjoints des victimes, exercent une violence gratuite dont la justification trouverait son fondement dans l’autonomie financière des ménages mise en mal en ce temps économiquement difficile. Paradoxalement, certaines structures sanitaires avaient déjà signalé une baisse de fréquentation des patients qui serait consécutive à la peur d’infection nosocomiale. Le risque est de voir les victimes des violences sexuelles s’abstenir également de solliciter la prise en charge psycho-médicale dans les structures médicales pour la même raison. Cela serait très désastreux en ce temps où les vulnérabilités sont renforcées et que les violences basées sur le genre augmentent.

Le milieu rural qui dépend des services offerts par la ville soulève des inquiétudes particulières. En effet, plusieurs services, notamment sanitaires, ne sont pas présent dans les zones rurales ou lorsqu’ils y sont, nécessitent des ressources provenant des centres urbains, point d’entrée de l’appui gouvernemental et de l’aide humanitaire.  Les mesures de restriction des mouvements vers les territoires des villes isolées privent des bénéficiaires de l’accès aux services de soins dans une certaine mesure.

Comme chaque secteur d’activité, les acteurs de lutte contre les violences cherchent à atténuer les conséquences du COVID-19 sur l’offre des services à apporter aux victimes des violences sexuelles. Toutefois, les défis restent énormes puisque ces services sont difficilement adaptables aux mesures adoptées par les politiques. En effet, la plupart des services offerts aux victimes dans leur processus de résilience nécessite un contact physique qui aujourd’hui est de manière réglementaire ou volontaire restreint. Et pour faire respecter ces mesures barrière et de distanciation, les services de polices sont prioritairement mobilisés, souvent au dépend des autres missions comme la prévention et la lutte contre les violences sexuelles pourtant significatives en cette période. Dans certaines provinces, les populations doivent faire face à des problématiques sécuritaires et sanitaire qui rendait déjà la lutte contre les violences sexuelles difficiles voire impossibles. Le COVID-19 vient donc y compliquer une situation qui était déjà chaotique à certains égards. 

Je crois fermement que l’Etat congolais devra intégrer dans sa politique de riposte les problématiques VBG pour être certain que les victimes continuent de recevoir l’aide nécessaire pour que les acteurs qui leur offrent de l’assistance puissent continuer la lutte contre les violences sexuelles dans un environnement de sécurité maîtrisée. Cela permettra de conserver les acquis des efforts actuellement visibles dans la lutte contre l’impunité qui devient de plus en plus une réalité grâces aux appuis des différents partenaires de la prise en charge holistique des victimes des violences sexuelles.

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